Don't You Like Me - Une fragile princesse au pois
Bien qu’il s’accrochât sérieusement à l’idée de « vouloir marcher plus vite que Gu Kaifeng », cette stupide façon de penser était trop embarrassante pour être déclarée ouvertement !
C’est vrai, Feiran savait aussi qu’il était stupide…
Mais il ne pouvait toujours pas se contrôler !
Le visage de Feiran devint rouge. Il jeta un regard froid à Kaifeng, avec l’intention de l’insulter. Le téléphone dans sa poche sonna soudainement ; il le prit et sortit de la pièce. Lorsqu’il regarda l’écran, il fut surpris : c’était le numéro que son père utilisait à l’intérieur du pays. Son père était allé en Europe le mois dernier et avait dit qu’il reviendrait le voir dans trois mois. Il ne devait pas revenir aussi vite.
Feiran se précipita pour répondre au téléphone : « Bonjour, papa, pourquoi utilises-tu ce numéro ? Es-tu de retour ? »
La voix de Lin Chengyu entendue au téléphone semblait très sérieuse : « Feiran, ton grand-père est en train de mourir.
Le cœur de Feiran devint soudain froid. Il resta bouche bée pendant un moment et répondit d’une voix douce.
D’après ce que son père avait dit, l’idée générale était la suivante : la maladie existante, bien gérée, avait soudainement empiré. Personne ne savait pourquoi. Le lendemain matin, il viendrait à l’école, demanderait un congé pour Feiran et l’emmènerait voir les derniers moments de son grand-père dans le village où il était né.
« Eh bien, je comprends, papa », répondit Feiran, puis il raccrocha le téléphone.
Quand il revint au dortoir, le visage de Feiran était devenu blanc. Cependant, son visage avait toujours été plutôt pâle, donc ce n’était pas évident. Kaifeng s’appuyait sur l’armoire, toujours dans la même position qu’avant. Il semblait qu’il n’avait pas l’intention de laisser tomber la situation embarrassante de Feiran. Lorsque Feiran entra, il demanda rapidement : « Laisse-moi te demander, est-ce que tu as couru avec moi tout à l’heure ? Quel âge as-tu ? »
Feiran était de mauvaise humeur et Kaifeng jetait de l’huile sur le feu. Il serra les poings et jeta un coup d’œil à Keifang, disant à voix basse : « Lâches-moi ! »
Voyant Feiran devenir furieux, Kaifeng renifla et haussa les épaules. Attrapant sa bassine, il se rendit aux douches.
Feiran retira son uniforme et s’emmitoufla dans sa couette, tirant la couette jusque sur sa tête. Pensant que son grand-père pourrait bientôt se transformer en une photo en noire et blanc et une petite urne, son cœur se rempli immédiatement d’un vide et d’une tristesse qu’il était dur de décrire.
Feiran avait de très bonnes relations avec son grand-père. Il avait vécu avec ses grands-parents jusqu’à l’âge de sept ans. Après, bien qu’il ait déménagé dans la ville où travaillait son père pour aller à l’école primaire, il retournait chez ses grands-parents à chaque vacance d’hiver et d’été. Cela a duré jusqu’au collège, où les devoirs ont commencé à devenir trop lourds et il a dû progressivement arrêter de les voir.
Son grand-père était très espiègle. Non seulement il racontait des histoires de fantômes mystérieuses, mais il emmenait aussi Feiran partout dans la montagne pour jouer comme un fou. Au printemps, ils attrapaient des grillons dans l’herbe et des poissons et des crevettes dans le lac ; en été, ils creusaient la boue de la rivière et construisaient un barrage, et quand ils avaient fini de jouer, ils se déshabillaient jusqu’à ne garder que leurs sous-vêtements et allaient nager. En automne, ils sortaient deux grosses patates douces fraîches et les faisaient rôtir sur du charbon. Les patates douces fraîchement rôties étaient très chaudes et parfumées. Grand-parent et petit-enfant soufflaient tous les deux bruyamment et mangeaient les patates douces avec leurs mains. En hiver, à l’aide d’un traîneau fait maison, grand-père poussait Feiran pour qu’il glisse sur une petite colline…
Normalement, Feiran ne se souviendrait pas de ces pensées, mais à ce moment-là, elles se déversèrent soudainement comme un flot d’eau à travers un barrage brisé. Sous la couverture, il pinça les lèvres, enfouit son visage dans l’oreiller et pleura.
Il a oublié comment il s’était endormi, il avait dû penser à son grand-père et s’était endormi en pleurant. C’est pourquoi, lorsqu’il s’est réveillé le lendemain matin, son état n’était pas très bon.
A six heures et demie, Kaifeng était en train de se changer sur la couchette en dessous. Il n’avait pas encore enfilé son uniforme scolaire après avoir enlevé son haut de pyjama ; son corps était très attirant.
Feiran leva la main pour frotter ses paupières gonflées. Conscient que son apparence actuelle n’était peut-être pas très bonne, il enfila ses pantoufles et alla d’abord se laver le visage. Alors qu’il passait devant lui , sa bassine sous le bras, les yeux de Kaifeng étaient comme une paire de clous, fixant fermement son petit visage en deuil, semblable à une brioche fumante.
Feiran était très embarrassé ; il baissa rapidement la tête et sortit de la pièce à la hâte.
Les sourcils de Kaifeng étaient froncés de confusion : « …… »
Il ne l’a pas juste un peu taquiné hier soir ? Bon sang, c’est assez inattendu, il l’a fait pleurer ?
Feiran ne s’était pas rendu compte qu’il était déjà devenu une princesse au pois fragile et réservée aux yeux de Kaifeng.
Même si, à bien des égards, ce n’était pas faux…
À huit heures, pendant l’heure d’étude du matin, Feiran a été appelé par le professeur. Son père, Lin Chengyu, attendait déjà à la porte de la classe. Le professeur tapota l’épaule de Feiran pour le consoler et dit : « Vas-y. »
Il était clair qu’il avait déjà été autorisé à partir. Feiran hocha la tête et sortit de l’école avec son père. Celui-ci conduisit rapidement et en un peu plus de deux heures, ils arrivèrent à destination.
C’était un village que Feiran connaissait bien : les rangées de cultures bien ordonnées, la rivière qui coulait librement, la longue chaîne de montagnes vertes à l’horizon et une vieille résidence qui semblait usée par le vent et la pluie. Alors qu’il poussait la porte d’entrée, un gros chien doré qu’il avait élevé à l’école primaire se précipite vers lui et se cogna contre ses jambes, sa queue remuant joyeusement tandis qu’il léchait les doigts de son propriétaire.
Son grand-père se reposait dans la chambre au deuxième étage. Son corps émacié et ratatiné était ridé comme un vieil arbre. Les yeux du vieil homme étaient fermés, son visage paraissant calme et sans trace de douleur ou de peur. Feiran alla rapidement s’asseoir à côté du lit, prenant la main froide de son grand-père dans la sienne, presque comme s’il voulait utiliser son corps pour l’aider à se réchauffer un peu. Avant qu’il n’ait eu la chance de parler, les yeux du jeune homme devinrent rouges.
Comparé à son fils, la réaction de Lin Chengyu était plus apathique ; il se tenait juste à côté du lit et regardait en silence. Ses yeux semblaient imperturbables, presque insensibles.
Feiran n’était pas surpris par l’indifférence de son père. Il savait que son père n’était revenu que par devoir filial, et non par véritable sentiment. Selon les critères modernes, Lin Chengyu était quelqu’un qui avait « réussi » : c’était un étudiant brillant, aimé de sa famille. Après avoir été admis à l’université, il a épousé la belle de sa faculté. Le mari et la femme ont toujours eu une bonne relation et on peut également dire qu’ils ont connu le succès professionnel.
En tant que personne très ambitieuse, Lin Chengyu a étudié dur depuis son enfance. Il voulait de tout son cœur quitter ce petit village, mais son père a toujours voulu qu’il suive la même voie que lui. Si les autres membres de la famille ne s’étaient pas farouchement et implacablement opposé à la volonté de son père, tout en insistant pour que le chef de famille laisse l’enfant aller à l’université, Lin Chengyu aurait très probablement suivi les traces de son père. Cela signifiait vivre dans le village en tant que chaman mandchou, rassemblant de maigres moyens de subsistance en rappelant les âmes perdues des enfants malades et en surveillant les tombes. Peut-être même que trouver une femme aurait été une lutte.
En pensant aux possibilités, l’ambitieux Lin Chengyu sentit tout son corps se glacer. Non seulement son père refusait de reconnaître ses propres défauts, mais il nourrissait de mauvaises opinions à l’égard de son fils qui refusait de lui obéir, pensant que le refus de Lin Chengyu de poursuivre sa voie signifiait qu’il tuait la « tradition familiale ». Ainsi, avant la naissance de Feiran, son vieux père parlait rarement à Chengyu. Lorsque son petit-fils vif et mignon est né, leur relation père-fils s’est améliorée – c’est-à-dire qu’en surface, ils ont réussi à se montrer civilisés à contrecœur.
Feiran ne connaissait pas les détails de ces affaires. Il savait seulement vaguement que son grand-père était mécontent de son père à cette époque à cause du choix de carrière de ce dernier, mais les détails n’étaient pas clairs.
À ce moment-là, le grand-père de Feiran s’est réveillé.
Les yeux du vieil homme s’illuminèrent. Il regarda Chengyu pendant un moment et fronça les sourcils. Puis, son regard tomba sur Feiran.
« Grand-père ! » s’écria Feiran, essuyant rapidement ses larmes et faisant de son mieux pour afficher un sourire joyeux. Il ne voulait pas que son grand-père se sente conscient qu’il allait bientôt mourir.
Son grand-père releva les coins de sa bouche et sourit. La lumière qui passait par la fenêtre se reflétait dans ses yeux auparavant troubles et confus, qui brillaient maintenant de mille feux. En un instant, l’expression de son visage devint quelque peu effrontée comme celle d’un petit enfant coquin.
« Feiran-ah. » Grand-père tapota le dos de la main de Feiran et dit brusquement : « Je pense que cette chose te sera probablement transmise. »
Sa voix était ferme et résolue, chaque mot était clairement audible. Il ne ressemblait pas du tout à quelqu’un qui souffrait d’une maladie chronique et qui s’approchait rapidement de la mort.
Feiran s’interrogea également sur l’héritage que son grand-père voulait transmettre, mais estima que ce genre de conversation était inapproprié. Il changea immédiatement de sujet et demanda : « Grand-père, comment te sens-tu maintenant ? Veux-tu boire de l’eau ? »
Grand-père agita la main et continua à parler : « Ce n’est pas quelque chose que je peux contrôler; ce gamin têtu déteste tellement ce vieil homme que je ne pourrais probablement pas lui transmettre ça. Mais dans la famille Lin, à part lui, il n’y a que toi, l’enfant unique, alors si ce n’est pas toi, qui d’autre cela pourrait être… »
Feiran sentit vaguement que celui que son grand-père entendait par « ce gamin têtu » et « lui » était en fait Chengyu, son père, mais même avec cela, il se sentait toujours confus.
Grand-père haleta à plusieurs reprises, sa voix devenant de plus en plus faible : « Feiran, quand tu verras ces choses, n’aie pas peur. Les gens meurent. Les morts étaient aussi vivants, il n’y a pas vraiment de différence entre nous… »
Feiran fronça les sourcils, confus : « Grand-père, que veux-tu dire ? »
Grand-père ouvrit la bouche, comme s’il essayait de toutes ses forces de dire quelque chose, mais après avoir essayé pendant un moment, il commença à transpirer et se rallongea mollement sur l’oreiller en soupirant : « Même à la fin, ce n’est toujours pas possible, peut-être que les mystères du ciel ne peuvent pas être révélés… »
En entendant le discours bizarre du vieil homme, les yeux de Chengyu brillèrent d’une pointe de frustration. Il n’avait jamais cru à ces choses surnaturelles, mais qui lui avait dit d’avoir un père comme ça ?
Chengyu commençait à se sentir impatient jusqu’à ce qu’il entende soudainement les sanglots bruyants de Feiran et se rende compte que son père était décédé.
Feiran serrait la main de son grand-père et pleurait convulsivement, complètement inconscient que sous les paupières de son grand-père mort, ses globes oculaires se retournaient soudainement de façon bizarre…
Au même moment, un air froid traversa les doigts fins de son grand-père et se dirigea jusqu’à la paume de Feiran. De sa paume, l’air froid traversa tout son corps. Feiran frissonna, mais il était hors de lui et ne prêta pas beaucoup d’attention à la sensation. La tête baissée, il pleurait et sanglotait.
Les cérémonies et les coutumes funéraires du village étaient nombreuses et Lin Chengyu ne voulait pas retarder le retour de Feiran en classe. Dans tous les cas, l’important était de donner au grand-père et au petit-fils, qui étaient très proches, la chance de se revoir. Cet objectif étant atteint, il attendit que l’humeur de Feiran se calme et dans l’après-midi, Lin Chengyu le reconduisit à l’école.
Dans la voiture, Feiran a finalement pu retenir ses larmes. Il s’ assis sur le siège passager et serra ses bras contre sa poitrine. Après un moment, il tendit la main et augmenta la température.
Chengyu : « As-tu froid ? »
Feiran a doucement dit oui.
Il avait froid, terriblement froid. Depuis que son grand-père est décédé à dix heures du matin jusqu’à maintenant, Feiran sentait un flux constant de froid se propager dans son corps, le faisant frissonner.
NB : La Princesse au petit pois aussi intitulé La Princesse sur le pois ou La Vraie Princesse, est un conte de Hans Christian Andersen paru en 1835.
NB² : Les Mandchous croyaient au chamanisme. Au début de la dynastie des Qing (1644-1911) les chamans étaient des gens intelligents et particulièrement astucieux. Ils chantaient et dansaient spécialement lors des services impériaux. Les chamans des couches populaires exécutaient des danses religieuses surtout pour exorciser les mauvais esprits. Chaque village avait son propre chaman dont le seul mandat était d’exécuter les danses pour les esprits.